La librairie Audreco a le plaisir de vous offrir ici : « Le retour »,

un chapitre du roman : « Le Chant des cent pierres », le tome 2 d’une saga préhistorique extraordinaire, racontant les premiers pas communs des hommes et des loups. 

 (https://librairie.audreco.com/book/la-trilogie-des-chants)

Résumé des extraits précédents : 

Veille de Loup-Fauve : Époque préhistorique, un jeune loup, solitaire, survit dans une jungle hostile, quand il se rend compte qu’un « Deux-pieds », la race honnie, est entré dans son territoire… Il décide de s’en débarrasser, coûte que coûte ! (https://youtu.be/EZo50q8xEzM)

La traque : Deng, chasseur coureur de la préhistoire, déterminé à se rapprocher du jeune loup, pour lequel il éprouve, attirance et admiration. (https://youtu.be/gH5sVKNXiR8)

Vous êtes maintenant prêts pour le chapitre offert ici : « l’Alliance ! »

L’alliance Deng, qui pour cela, a été jusqu’à mettre sa vie en danger, parvient finalement à se rapprocher de Loup Fauve ! Une vie en commun commence de s’organiser ! (https://youtu.be/rpB60pxrQxM)

La course : L’homme et le loup, devenus complices, entreprennent une longue pérégrination au sein d’environnements plus ou moins hostiles… : (https://youtu.be/ZhSli-2eReQ)

Le retour

Cela fait maintenant deux jours que Tenace est parti. Comme chaque soir, Loup-fauve vient prendre son poste de guet, à l’extrémité de la falaise. La nuit est calme, il s’allonge, le nez vers la plaine ; une part de conscience toujours en éveil, il entre dans ce demi-sommeil, qui suffit aux loups les plus endurcis, pour recouvrer leurs forces.  

Vers le milieu de la nuit, un bruit ? L’instinct ? Mais Loup-fauve, à présent complètement sur ses gardes, le sait avec certitude : en bas dans la plaine, une silhouette se déplace rapidement. Le contrebas ne permet pas d’en recevoir les effluves, et Loup-fauve n’est pas certain qu’il s’agisse de Tenace. Bientôt, la silhouette est aux pieds de la falaise. Loup-fauve est anxieux, si ce n’est pas Tenace, il faudra prendre le large au plus vite. L’attente met les nerfs à vif. Dans la vallée, on devine une nouvelle activité. Une troupe de deux-pieds, une douzaine sans doute, court dans leur direction. Sont-ils les alliés de celui qui monte la falaise ? Sont-ils à sa poursuite ? 

Ce n’est que lorsqu’il n’est plus qu’à quelques mètres que Loup-fauve reconnaît de façon certaine l’effluve de Tenace. Quoiqu’avec dignité, mais de manière indiscutable, le louveteau fait fête au deux-pieds, ce qui ne manque pas de surprendre ce dernier… qui voudrait répondre comme il convient, mais il le fait de manière brève, presque à la hâte, et bientôt, il se remet en route. Il est poursuivi, comprend le jeune loup, qui lui emboîte le pas ; on devine le souffle forcé d’un groupe de deux-pieds à l’assaut de la falaise, mais Tenace et lui vont bon train dans la nuit sombre, il sera difficile pour des animaux dépourvus d’odorat de leur donner sérieusement la chasse…

Tenace va vite, très vite même ; un tel train ne peut être motivé par le souci d’échapper à des poursuivants, qui n’ont pourtant aucune chance de les rejoindre. Non, Loup-fauve en est certain, Tenace ne fuit pas, il se rend vers un lieu qu’il veut rejoindre au plus vite. 

Durant deux jours, et deux nuits, sans prendre jamais plus que quelques brefs instants de repos aux heures les plus torrides du jour, ils vont ainsi aller, dans une direction exactement intermédiaire entre le soleil qui se couche et le soleil qui se lève. Mais, une fois encore, le comportement de son partenaire déconcerte le jeune loup. C’est que, malgré son jeune âge, son instinct l’en informe avec certitude : il n’y a rien, rien dans la direction où ils se précipitent ! Cependant, comme à l’ordinaire, la détermination sans faille de Tenace vient balayer les hésitations du loup. 

Le deuxième jour, Loup-fauve voit se confirmer son intuition : devant eux, il n’y a rien, en effet, seulement de l’eau, un fleuve, mais un fleuve sans fin, un fleuve sans autre rive, un fleuve de fin du monde, qu’aucun nageur d’aucune espèce ne pourrait envisager de franchir. Tenace va bientôt devoir s’en rendre compte, il lui faudra faire demi-tour. Mais celui-ci va toujours, sans jamais ralentir : ne voit-il donc pas qu’il n’y a rien devant eux ? N’entend-il pas le souffle menaçant, rugissant, du fleuve qui menace et veut tout engloutir ? N’est-il pas assailli, lui aussi, par cette odeur puissante, qui semble vouloir effacer toutes les autres ? 

À présent, le fleuve est bien visible ; toujours sans la moindre hésitation, Tenace se dirige vers une sorte de bois en bordure du fleuve. Loup-fauve suit, de plus en plus circonspect. Tenace s’engage dans le bois, suivant un sentier qu’il semble parfaitement connaître ; le deux-pieds devant, le loup sur ses talons, on se faufile entre les troncs, sur un sol toujours plus incertain. Soudain, Tenace s’arrête ; on est au bord d’une petite étendue d’eau, que Loup-fauve devine rejoindre le grand fleuve, un peu plus loin. Tenace arrache à la futaie un objet étrange, étroit et long, qu’il pousse jusque dans l’eau ; bientôt, il dresse au milieu de l’objet un arbre inutile, sans branches ni feuilles, autour duquel est enroulé quelque chose qui ressemble à des peaux cousues entre elles. Le deux-pieds monte sur l’objet, et il invite Loup-fauve à le suivre, ce à quoi celui-ci se refuse avec la plus grande détermination. Cependant, Tenace doit partir avec l’objet ; si le loup ne veut pas suivre, celui-ci devra courir seul, un temps qui sera peut-être assez long. Tenace reviendra dans la futaie, mais il ne peut pas dire dans quel délai. Seul ? Dans un endroit où l’on ne reconnaît rien ? Aucun repère, aucun effluve de gibier connu, et puis, la soif : de l’eau à profusion, mais, Loup-fauve l’a déjà compris, de l’eau sèche, qu’il n’est pas question de boire. Bien sûr le fleuve plus loin menace en grondant, bien sûr, l’objet sur l’eau n’a rien de rassurant, et, aucun loup raisonnable n’accepterait de s’y tenir. L’instinct du loup, héritage-mémoire de tous ces ancêtres, le presse de s’enfuir au plus vite, tandis que le deux-pieds sur l’objet y semble aussi à l’aise que s’il était sur le sol, et rien ne laisse deviner chez ce dernier autre chose que son habituelle assurance, et c’est avec cette même assurance qu’il entreprend d’écarter l’objet de la bordure du sol, l’engageant résolument vers l’étendue d’eau.

À ce moment, la réaction de Loup-fauve, imprévisible et soudaine, vient les surprendre tous, l’objet tout d’abord, qui marque un violent mouvement de bascule, Tenace ensuite, qui manque d’en perdre l’équilibre, Loup-fauve, enfin, qui se retrouve le ventre comme cloué au fond de l’objet, les membres tétanisés de chaque côté du corps, essayant dans cette position de garder un équilibre qui lui paraît absolument précaire. Sans qu’il comprenne comment cela a pu se produire, Loup-fauve doit se rendre à l’évidence : il a sauté dans l’objet et ce faisant, basculé dans un monde effroyablement inconnu. Mais immédiatement après, le rire clair et joyeux de Tenace vient apporter comme une lueur de salut, la main de celui-ci masse la nuque du loup, qui à ce degré d’émotion, ne tente rien pour s’en défendre, satisfait même, à son plus grand étonnement, de ce contact qui vient comme le retenir au bord de son affolement. « Fichu bougre, prononce le deux-pieds, tu as manqué de faire chavirer ma barque, il fallait me prévenir ! » Loup-fauve ne comprend pas un mot de ce discours, sinon le mot barque, qu’il retient : l’odieux objet sur lequel lui-même et le deux-pieds sont désormais prisonniers s’appelle une barque. Toujours aussi calme, Tenace vient tendre au-dessus du dos de Loup-fauve une sorte de lien, contre lequel l’animal marquerait la plus farouche défense dans une situation normale, mais qui, ici, lui apporte, en plus de l’appui qu’il procure à son corps, un sentiment de bienfaisante sécurité. Le deux-pieds attache un autre lien à une branche basse, puis se couchant au fond de la barque, après avoir dit quelques mots dont le loup devine le sens, s’endort presque aussitôt. Ce que le deux-pieds attend, c’est la bienfaisante sécurité de la nuit, et dans cet intervalle, il faut prendre un peu de repos. Les émotions ont épuisé le loup, qui, s’il ne dort pas, se détend peu à peu, laissant prendre à ses membres une position plus confortable. Le plus grand calme semble entourer la barque, et la vie que l’on devine riche au sein de la futaie, leur est parfaitement étrangère, et n’a donc rien d’hostile.

La nuit n’est pas venue que Tenace a détaché la barque, et, sous le regard presque horrifié du loup, la dirige franchement vers le fleuve, à l’aide d’une branche dont la forme a sans doute été modifiée. Bientôt, ils sont sortis de la protection des arbres, et il n’y a plus autour d’eux que la nuit et de l’eau, mais une eau vivante, de plus en plus agitée, qui chahute la barque dans tous les sens. Aussitôt, ils sont pris par le vent. Tenace pose sa branche et déroule les peaux enroulées autour de l’arbre, les peaux se gonflent du vent, la barque s’incline doucement sur sa hanche, ajoutant s’il est possible à la panique du loup, qui reste figé, appuyant ses épaules au lien, la barque, sans doute dirigée par Tenace, à l’aide de ce bois étrange retenu dans ses mains, court sur le fleuve, dont elle épouse fidèlement les mouvements, les heures passent, abrutissantes, qui donnent le sentiment de ne jamais vouloir s’achever, leur cauchemar se mêle aux autres cauchemars, le meurtre de son frère, la fuite dans les joncs, son père qui le cherche, le destin de son frère, vingt fois, son père passe à trois pas de lui, sans le découvrir, l’odeur du marais est plus forte que celle du louveteau, la fuite au très petit matin, la peur, la soif, la faim, l’épuisement, et par-dessus tout, l’immense solitude, la barque danse sur l’eau, sa mémoire danse dans son esprit…

La nuit n’est plus aussi profonde, la barque va plus durement sur l’eau, mais l’espérance du jour rend cette course moins terrifiante, on devine à l’arrière la silhouette impavide de Tenace, une main sur le bois, le louveteau se rend compte que saoulé d’émotion, il a du finir par s’endormir. Il y a de l’eau tout autour de la barque, mais on ne peut s’y tromper, on ne la voit pas, mais on la sent, une terre, une terre aux odeurs fortes et rassurantes s’avance vers eux, assez vite, trop lentement bien sûr, mais assez vite cependant, une terre qui transforme l’angoisse de la nuit en un filet d’espoir, Tenace devine que le loup s’est éveillé, il lui dit quelques mots, cette voix qui apaise, le jour ne sera pas levé que nous aurons rejoint la terre…

Soudain, la barque ne danse plus sur le fleuve, elle court, toujours inclinée, mais sans subir le moindre heurt, bien poussée par le vent, sur une eau parfaitement lisse. Devant eux, Loup-fauve devine un immense et apaisant désert de sable, un monde où d’ordinaire il ne viendrait à l’esprit d’aucun loup d’aller s’aventurer, mais un monde qui ici, a des couleurs de salut…

Là-bas, sur le sable, un deux-pieds vient de naître, il court vers eux, agitant les bras ; de la voix et des mains, Tenace lui répond, la terre vers laquelle on court est plus qu’une terre connue du deux-pieds, c’est une terre où il compte des alliés… la nuit infernale achève de se dissoudre en petit matin de connaissance. Bientôt, la barque est au bord du sable où le loup se jette avec délectation. Loup-fauve voudrait prendre son élan, tourner définitivement le dos au fleuve, mais pour le moment, ses muscles ankylosés ne lui permettent autre chose que quelques mouvements maladroits, et les odeurs qu’il hume, pour rassurantes qu’elles continuent de lui paraître, ne lui sont pas moins inconnues et nouvelles, des odeurs vers lesquelles on ne peut s’engager sans prudence…

Version audio de ce texte, avec la voix de Dominique Mandereau :

Version complète du « Chant des cent pierres » : https://librairie.audreco.com/book/le-chant-des-cent-pierres

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À bientôt !

Catégories : Roman

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