Origines du chien : comprendre et connaître les origines du chien, pour mieux comprendre et cohabiter avec le chien d’aujourd’hui !
Origines du chien : en réalité, pourquoi savoir ?
Sommaire
Pourquoi s’intéresser à la genèse des relations de l’homme et du chien ?
Notre problème n’est-il pas de vivre avec « le chien d’aujourd’hui » ? Alors, que nous importe de savoir comment nos ancêtres vivaient avec celui de leur époque ? En quoi le fait d’en connaître plus sur la genèse des relations de notre espèce avec l’espèce canine peut-il nous être utile ?
12 000 ans, ou plus, sans l’aide ni d’éducateurs, ni de quelque comportementaliste que ce soit
Cela fait en tous cas au moins 12 000 ans que les hommes vivent avec des chiens.
12 000 ans que hommes et chiens ont fait ensemble des choses plus ou moins extraordinaires !
Des exemples ? Chasses en tous genres. Garde des troupeaux, garde du foyer. Défense de la famille. Mais aussi guerre, contrebande, vols, tours, transport…
Et même (bonne) compagnie !
Et cela, pendant douze mille ans, sans l’aide de quelque « comportementaliste » que ce soit !
12 000 ans ? En fait beaucoup plus ! Peut–être deux fois et demi plus longtemps !
Comment ont-ils fait ?
Alors une question au moins, mérite d’être posée : mais comment ont-ils fait ?
Origines du chien : le chien sauvage a-t-il existé ?
Le bichon maltais, et le loup : une seule espèce ?
Je vous avoue tout net avoir du mal à le concevoir (c’est peut-être aussi votre cas ?), mais c’est la vérité !
Parole d’ADN ! Mes petits bichons maltais sur leur couffin et les loups sauvages de la taïga, une seule et même espèce ? Comment le croire ?
Le critère déterminant de la notion d’espèce
Et pourtant, loups, chiens, si l’on trouve un moyen ou un autre de les « croiser » entre eux, auront une descendance.
Plus, cette descendance sera « fertile » (aura la capacité de se reproduire à son tour) !
Or c’est précisément le critère déterminant de la notion d’espèce.
Origines du chien : y–a–t–il eu un chien « intermédiaire » ?
On s’est parfois posé la question d’une étape entre le chien domestique et le loup. Une sorte de chien sauvage, voire plusieurs types de chiens sauvages. Dont seraient issus par croisements volontaires et involontaires tous nos chiens contemporains.
Une question parfaitement « impertinente »
Impertinence étant à comprendre ici au sens de non pertinent, non fondé, et non pas bien sûr à celui d’insolence.
Car on sait aujourd’hui cette question parfaitement « impertinente ». Pas de chaînon manquant entre loup et chien, tout simplement parce que le chien est un loup, plus ou moins domestique, certes, mais un loup cependant à part entière ! Redisons–le, une fois pour toutes : ainsi parle « l’ADN » !
Le débat est clos : le chien est un loup qui accepte ou recherche la compagnie de l’homme ; exactement comme l’on pourrait dire, aussi justement, que le loup est un chien qui la refuse !
La transition : comment ?
Soit, me direz-vous, mais la transition loup sauvage, loup – chien – domestique, quand ? Comment ? (Et puis peut-être, pourquoi ?)
Le chien et l’homme : depuis quand ?
Les paléontologues
Les paléontologues sont formels. Des hommes et des loups se fréquentent depuis douze mille ans au moins. Voire plus, peut-être vingt mille, voire trente mille ans, mais là de manière un peu plus incertaine.
Des paysans en phase d’installation
Les premiers étaient des paysans en phase d’installation. Dans les plaines du Moyen-Orient ils inventaient un mode de vie un peu moins dur que celui de leurs nomades de parents.
Les seconds sont bien des loups.
Certes, ils présentent une corpulence moindre que celle des loups sauvages de l’époque. Ainsi qu’une boîte crânienne significativement plus réduite. Mais néanmoins des loups, sans doute possible.
Origines du chien : faire parler les tombes
Les paléontologues peuvent se permettre d’être ainsi formels, parce qu’ils ont fait parler les morts, et notamment les tombes : ils déduisent de leurs travaux que la « domestication » du chien remonte à cette époque.
A mon avis, ce que prouvent les tombes, c’est l’existence de cette domestication à cette époque.
Mais ne démontre pas qu’elle ne puisse être bien plus ancienne.
Les nomades, parents et grands–parents de nos agriculteurs, n’avaient-ils pas de chiens ? Leurs tombes ne le disent pas, c’est vrai. Mais on peut bien comprendre que celles de voyageurs en perpétuels déplacements aient été plus vite construites (bâclées ?) que celle de personnes installées…
Première rencontre
Mais, à quelque époque qu’ait eu lieu le « mariage » entre nos deux espèces, comment s’est passée la première rencontre ?
Origines du chien : les premiers chiens ont-ils été des loups apprivoisés ?
Cro-Magnon a-t-il apprivoisé un loup ?
Un de nos ancêtres Cro-Magnon a-t-il réussi l’apprivoisement plus ou moins approximatif d’un loup ?
Tandis que dans le même temps, l’un de ses cousins, ou lui-même après tout, réussissait celui, tout aussi admirable, d’une louve ?
Les deux animaux ont-ils accepté de s’accoupler, et les « louveteaux – chiots » produits de se laisser à leur tour apprivoiser, et ainsi de suite…
C’est en gros ce que toute la littérature nous disait sur le sujet jusqu’à récemment, et c’est peut être aussi ce que vous pensez.
Une fable
Oubliez cependant pour toujours cette version de fable, elle ne peut être qu’une fable, et ne résiste pas à l’analyse ! Il y a à cela toutes sortes de raisons que, si vous le voulez, nous allons analyser ensemble !
Le loup ne se laisse jamais complètement apprivoiser
Des lapons, des hommes de tribus dites primitives, mais aussi des « passionnés » civilisés (?) ont plus ou moins réussi à « apprivoiser » des loups.
(Paul Emile Victor rapporte des faits très intéressants à ce sujet, notamment dans ce livre passionnant : Chiens de traîneaux : Compagnons du risque.)
Expériences conduites dans des conditions on ne peut plus différentes, mais résultats quasi identiques ! Une relation empreinte d’un certain niveau de confiance a pu ici et là s’établir, certes, mais une relation cependant très limitée !
Limitée à la personne ou aux personnes ayant participé à l’apprivoisement. Et même dans ce cadre, une relation délicate, voire difficile, nécessitant habileté, précautions, savoir-faire…
On le voit, rien qui fasse de ces animaux « apprivoisés » des animaux « familiers ». Et, ce qui est le plus important, une relation qui n’aurait aucune chance de se « transmettre » par la voie génétique : c’est le contraire, tout est à recommencer à chaque génération !
Pour être plus précis
Pour être plus précis, il faudrait signaler que la vie avec un jeune loup ne se distingue guère de celle que l’on peut avoir avec un jeune chien. Les comportements sont à peu près identiques, et les louveteaux eux-mêmes peuvent faire preuve de soumission, d’obéissance, d’affection.
Mais, immanquablement, les choses se gâtent avec l’arrivée de la puberté : le louveteau devient rétif, agressif. Il n’accepte plus l’autorité, contre laquelle il se révolte au contraire, avec une grande férocité.
À partir de là, l’animal ne montre plus qu’un seul désir, celui de s’enfuir, il fait preuve pour cela d’une détermination et d’une imagination dont aucun chien ne serait capable.
Un gros effort pour un piètre résultat
Un résultat bien modeste donc, avec une contrainte forte : celle du temps, très long, à consacrer à cet apprivoisement !
Un homme préhistorique très occupé
Or, soyez-en sûrs, à notre ancêtre Cro-Magnon, le temps, précisément, voilà ce qui a manqué le plus !
D’abord, il ne vivait pas longtemps (une quarantaine d’années nous disent les paléontologues).
Mais aussi le souci de se nourrir et de nourrir sa famille lui était bel et bon une occupation à temps plein, laissant peu de place aux « loisirs » !
Un Cro-Magnon qui se fut « amusé » à gaspiller du temps pour apprivoiser un loup du voisinage, ne serait pas seulement passé pour un « illuminé » auprès de ses collègues ! Il serait surtout, très rapidement, mort… de faim !
Origines du chien : les premiers chiens ont-ils été des bébés loups adoptés ?
Mais voilà que par–delà l’écran de mon ordinateur, je vous entends me dire : « l’espèce humaine n’est pas seulement motivée par l’intérêt, il y a aussi les sentiments, l’affectif… ».
Un cas particulier
Et vous avez raison. Un cas particulier a pu se produire et s’est même certainement produit. Voyons cela !
Tonton Cro-Magnon part à la chasse
Tonton part à la chasse, et au cours de sa quête, il découvre… une nichée de bébés loups, dont les parents sont absents ! En chasse, comme Tonton, mais ailleurs, ou morts, peut-être même trucidés par Tonton lui-même, ou n’importe qui d’autre, mais absents !
Pas trop d’illusions…
Ne nous faisons pas trop d’illusions, pour Tonton, cette nichée, c’est d’abord de la viande ! Sinon bon marché, du moins facile d’accès ! Et la probabilité qu’il se soit empressé d’une liquidation collective est hautement vraisemblable ! Mais enfin, qui sait ?
Une copine de tonton
On peut tout à fait concevoir que Tonton ait eu au campement une copine, dont il ait envisagé de se ménager les faveurs en manière de distraction pour telles longues soirées d’hiver.
Lui ramener de la viande eût été une démarche tout à fait pertinente. Mais l’idée d’offrir ladite viande « vivante » pouvait ajouter le sel nécessaire à la tentative séductrice ! À la copine de choisir ce qui lui plairait le plus, le louveteau vivant pour jouer à nounours, ou le louveteau plumé, en cocotte ou au barbecue.
La copine est séduite
Mais voilà que la copine, séduite par cette petite « boule de poils » (pourquoi pas ? Douze mille ans plus tard, cela ne se produit-il pas… tous les jours ?) s’en entiche et l’élève…
Pas trop de romantisme, tout de même, puisque de toute façon, à cette époque, il n’est pas encore inventé. Si la copine garde le louveteau, et si celui-ci survit, c’est… qu’il est nourri… au lait de la copine ! (On sait aujourd’hui que nos ancêtres Cro-magnon pratiquaient déjà certaines formes de commerce, mais ne cherchez pas, point de « lait pour chiots » aux rayons des « magasins Cro ») !
Origines du chien : questions indiscrètes
L’hypothèse la moins désagréable pour nos consciences modernes étant que le louveteau ait pris la place d’un bébé mort-né. Ce qui était, on le sait, le sort de plus de la moitié des bébés à cette époque, mais n’anticipons pas.
Supposons (ce n’est pas impossible) que le louveteau ait survécu à cette alimentation. Aucun doute, il se comportera dans un premier temps comme si sa mère nourricière était sa mère naturelle !
Et pour notre arrière grand tante ravie, c’est la découverte « historique » (même si elle ne le sait pas) de… l’animal de compagnie… et des charmes et autres émerveillements de cette compagnie !
Bonheur éphémère
Or sachez-le, cet émerveillement sera de courte durée !
D’autres, après Tatie Cro-magnon, y compris parmi nos contemporaines, ont tenté l’expérience.
Remplaçant le sein maternel par des biberons, c’est vrai, mais voilà qui ne change rien à l’affaire !
Tôt ou tard, et généralement plus tôt que tard, la nature sauvage reprend sa vérité, le petit « chien » redevient le petit loup qu’il n’a jamais cessé d’être ! Il craint, il fuit, d’abord tous les représentants de l’espèce humaine ! Y compris ceux qui l’avaient nourri et auxquels il aura manifesté d’abord une débordante affection !
Une histoire qui finit toujours mal
Toutes, je dis bien toutes les expériences de ce genre se finissent de la même façon.
Aujourd’hui, au zoo. A l’époque qui nous occupe, par un retour – fuite à la nature ou par une fin plus expéditive (devinez !) ! Suite logique donnée à des comportements agressifs jugés dangereux par les membres de la tribu de Tatie.
Origines du chien : la faute à la socialisation ?
Mais pourquoi le louveteau élevé « à la mamelle humaine », ou même au biberon, retourne inévitablement, irréversiblement, à sa nature et sa défiance naturelle ? Les spécialistes avancent deux explications, que je vous propose d’envisager ensemble.
Période de socialisation
La première fait appel à une différence très intéressante observée dans le processus de développement du loup et celui chien : il s’agit de ce que l’on appelle la « période de socialisation ».
De quoi s’agit-il ?
On observe chez tous les mammifères (vous le savez, bien sûr), une période, située au début de la vie, bien identifiée, et dite de « socialisation ».
La caractéristique du début de cette période est l’intérêt manifesté par le mammifère pour toute « nouveauté » ! Dit autrement, pendant cette période, tout ce qui est « nouveau » suscite l’intérêt et provoque l’éveil !
Une fenêtre qui se ferme
Puis, plus tard, une fenêtre semble se fermer, plus ou moins brutalement ! La même nouveauté suscite désormais la peur, et déclenche le réflexe de fuite ou l’agression, quand la fuite est ressentie comme impossible.
À quoi sert cette période ?
Revenons à nos chiots et autres louveteaux. La période de socialisation est donc LE moment où se « gravent » dans le cerveau des éléments indélébiles déterminant comportement futur et personnalité.
Au cours de cette période, montrez-lui des chats, et/ou des humains, et/ou des télévisions, et toute sa vie, il aimera chats, humains, télévisions… ou ce que vous voudrez.
Avec un corollaire…
Avec un corollaire : ce qu’il n’a pas vu pendant cette période aura tendance à l’effrayer pour le restant de ses jours, qu’il s’agisse de chats, d’humains, de télévisions ou de ce que vous voudrez.
Des résultats beaucoup moins significatifs
Bien entendu, nous dit-on, l’effroi n’est pas définitif, mais le vaincre sera beaucoup plus délicat et prendra beaucoup plus de temps. (On se rapprochera des résultats obtenus par apprivoisement, décrits ci-dessus.)
En l’absence de socialisation
Un animal privé pendant cette période de stimuli sensoriels nombreux et variés se révélera après cette période incapable d’une vie normale.
Il sera littéralement effrayé par tout ce qu’il rencontre, ne s’y habituant jamais.
Cela se rencontre parfois chez les animaux d’élevage, gardés en milieu confiné, ayant peu ou pas de contact avec l’espèce humaine. C’est ce qu’on appelle de manière familière le syndrome d’élevage, ou de façon plus scientifique, le syndrome de privation sensorielle. De tels animaux se caractérisent par une forme de débilité mentale, qui les rend définitivement impropres à la vie dans une famille.
Chez le loup, une période très courte
Maintenant, concernant cette fameuse socialisation, que nous disent les spécialistes ?
Que la période de socialisation chez le chien commence à trois semaines, pour se prolonger jusqu’à cinq à douze semaines ; voire seize semaines.
Chez le loup, tout va beaucoup plus vite, le louveteau ouvre les yeux (comme le chiot) à dix–neuf jours ; mais ferme son regard sur l’avenir et sa phase de socialisation à… trois semaines ! Vous l’avez deviné, une fenêtre beaucoup trop brève pour vous y permettre aucun projet sérieux ! Le louveteau vous aura pris naturellement en grippe avant même que vous n’ayez eu le temps de vous offrir à son regard ! Et voilà pourquoi, Madame, notre Tatie Cro-magnon n’a pu garder son loup !
Ce qui est certain
Que dès son plus jeune âge le jeune animal doive être largement initié, et se voir offrir autant de stimuli qu’il est possible, ne souffre aucun doute.
Et que par ailleurs la période de socialisation soit plus courte chez le loup n’a rien d’étonnant : il y va sans doute de la survie même de l’espèce ! Qu’elle serait l’avenir d’un louveteau qui viendrait à se montrer trop curieux ? De mauvaises rencontres, voilà sans doute son destin le plus probable !
Mais laissons, pour le moment, cette question, qui n’a finalement que l’intérêt qu’on voudra lui donner, nous réservant d’y revenir plus tard.
Importance de la période périnatale.
A mon avis, la vraie difficulté tient au fait qu’au moment de sa naissance, le jeune a passé la totalité de son existence au contact étroit et exclusif de sa mère !
Il faut se faire à cette idée, le cerveau, cette extraordinaire machine, est déjà largement formaté au cours de la période périnatale (avant et juste après la naissance). Votre mère est une louve ? Vous naîtrez avant tout loup ! Très largement imprégné de sa vision du monde, donc de ses goûts, mais plus encore de ses phobies et de ses peurs !
Imprégnation périnatale
Cette imprégnation l’emporte, nous le constatons, très largement sur toute autre qui pourra se produire ensuite, et compte peut–être autant ou plus que le patrimoine génétique hérité !
Origines du chien : des loups de compagnie ?
J’ai souvent pensé que la seule manière efficace d’obtenir des loups de compagnie serait d’implanter chez une chienne de très jeunes fœtus de loups…
Mais je n’insisterai pas plus, car je ne voudrais donner de mauvaises idées à personne !
Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’une telle méthode était hors de portée de nos ancêtres, et que la « domestication » du chien ne s’est donc pas produite de cette façon.
Mais alors, que s’est-il passé ?
Relations interspécifiques entre prédateurs.
Que nos ancêtres aient été tentés d’apprivoiser des loups est à mon avis parfaitement invraisemblable.
En effet, les sentiments des premiers à l’égard des seconds devaient tenir naturellement beaucoup plus de la méfiance, voire de l’hostilité, que de quoi que ce soit d’autre !
C’est que les deux espèces devaient bien se connaître, en concurrence frontale sur les mêmes niches écologiques ! On chassait les mêmes espèces, souvent de la même façon (nous y reviendrons).
Compagnons charognards
Mais les deux espèces ont aussi partagé un autre mode d’alimentation, et tant pis pour nos imaginaires délicats : le charognage !
Charognage passif
Le charognage passif : on récupère les restes laissés par un autre prédateur, repu.
Charognage actif
Le charognage actif : on laisse un autre prédateur se charger du travail de chasse et de mise à mort. On intervient après ce moment, en nombre et en force, pour effrayer le prédateur, et lui voler le fruit de ses efforts. (Avant Cro-magnon, Neandertal, nous le savons de manière certaine, faisait déjà cela.)
Origines du chien : combats pour des cadavres
N’en doutons pas, ancêtres de Cro-magnon et meutes de loups se sont affrontés, les uns et les autres affamés, autour de cadavres ! Et les empoignades ont dû être sévères !
Origines du chien : qui a volé l’autre ?
L’une des espèces a-t-elle été le charognard actif de l’autre ? Dit autrement, des hommes ont-ils écarté des loups du butin qu’ils venaient de se procurer ? Des loups ont-ils volé la nourriture que des hommes venaient de chasser ?
Il ne suffisait pas de chasser, il fallait encore conserver ses prises !
Les paléontologues l’ont prouvé : nos ancêtres chasseurs avaient à protéger les prises qu’ils venaient de faire !
Protéger leurs prises de l’agression de tous les autres prédateurs en maraude dans le voisinage !
Les loups n’étant pas les moins dangereux, non parce qu’ils étaient les plus forts, mais parce qu’ils chassaient en bande !
Origines du chien : premiers contacts.
Pour autant les rapports ont-ils été seulement conflictuels ?
Les grands prédateurs acceptent les commensaux
En réalité, on le sait, les grands prédateurs acceptent plus ou moins, ou de plus ou moins bon gré, que d’autres espèces vivent, plus ou moins à leurs dépens, plus ou moins dans leur voisinage.
Meute de loups, hordes humaines
De telles relations ont-elles pu exister entre meutes de loups et hordes humaines ? Nous avons dit que les uns et les autres étaient adaptés aux mêmes niches écologiques, mais ce n’est pas complètement vrai.
Une carcasse pour deux bonheurs
Aucune des deux espèces ne peut vivre que de viande, fraîche ou non. Mais l’estomac du chien lui permet l’assimilation de viandes avariées, qui entraîneraient la mort pour l’homme.
Plantes, fruits, l’homme les cueille. Ce que ne peut faire le loup ! Qui, pour se les procurer, dévore sans vergogne, panse, estomacs, tripes des herbivores du festin : on le voit, sur une même carcasse, on peut à la rigueur trouver à plus ou moins contenter tout le monde.
Les chasseurs-cueilleurs ont-ils toléré la présence de loups charognards ?
Des chasseurs cueilleurs ont-ils ainsi subi ou toléré la présence de loups charognards ? C’est bien possible, ne serait-ce parce qu’à tout prendre, ils y trouvaient peut-être aussi un certain intérêt.
Histoire vraie…
Un groupe de chasseurs vient d’abattre une proie : ils sont heureux, il y aura de la viande pour toute la tribu.
Mais rien n’est gagné, la mise à mort ne s’est pas faite sans bruit, et il faut désormais prendre garde à tout ce qu’il y a d’affamé qui rode dans les environs.
Vite, il faut mettre la viande à l’abri de toutes ces menaces.
Origines du chien : à quoi servent les loups ?
Les premiers sur les rangs, ce sont les loups !
Mais la tribu les tolère, pourvu que ceux-ci restent à distance raisonnable.
Ce que les loups font en effet, car ils le savent, on leur laissera les morceaux qui sont pour eux de premier choix : panse et autres tripes !
Ils le savent tellement bien qu’ils sont prêts – jusqu’à un certain point, en tout cas – à défendre les humains de tous autres intrus !
Et s’ils ne peuvent défendre (le rapport de force ne leur étant pas favorable), ils peuvent prévenir !
Ce qu’ils feront d’autant plus naturellement qu’ils exprimeront en réalité leur fort désappointement à se voir voler ce qu’on allait leur laisser !
La question des restes
Les chasseurs tolèrent d’autant mieux ces loups « commensaux », qu’ils leur trouvent d’autres utilités.
La viande mise à l’abri, d’une manière ou d’une autre, on la consommera.
Mais il y la question des restes.
Bien entendu, les chasseurs sont nomades, mais ils ne nomadisent pas en permanence. Au contraire, ils nomadisent (on le sait aujourd’hui) à l’intérieur d’un territoire nettement délimité.
Ils ont des camps de base, où ils demeurent quelque temps. Et nomadisent en fait de camps de base à d’autres camps de base. Mais toujours les mêmes et demeurant dans chacun d’eux des périodes plus ou moins longues.
Origines du chien : un rôle tout prêt pour les loups
Mais stationner dans un camp de base, aussi longtemps que les ressources environnantes n’ont pas été exploitées par les épouses cueilleuses, nécessite… d’y faire le ménage bien régulièrement !
Des restes d’animaux dans les environs présentent bien des inconvénients et notamment celui d’attirer de grands prédateurs indésirables.
Enterrer les restes, c’est certes possible, mais quelle corvée ! Les « nettoyer » jusqu’à ce qu’il n’en reste rien, rien qui puisse encore aiguiser quelque appétit que ce soit, voilà un rôle tout prêt pour nos loups !
Quand les nomades sont devenus sédentaires…
Mon histoire vous paraît logique ?
Elle l’est en effet, mais à ce jour, que je sache, rien ne prouve son exactitude : je vous l’ai dit, les premières traces d’une cohabitation homme – chien concernent essentiellement des populations humaines sédentaires !
Organisation des villages sédentaires
La paléontologie nous apprend par contre que les villages sédentaires ont été organisés en zones d’utilisations distinctes.
Et l’une de ces zones est ce que nous pouvons assimiler à une « zone poubelle ».
Les carcasses des animaux consommées y étaient déposées ! Et les traces sur les ossements démontrent que ceux-ci ont bien été revisités par des chiens : les indices sont formels, la preuve est apportée !
Origines du chien : un rôle complémentaire de «sonnette »
Ces premières populations canines devaient également jouer un rôle de sonnette, en avertissant de l’arrivée d’hôtes indésirables.
Enfin rien n’interdit de penser qu’elles pouvaient assurer encore d’autres fonctions que nous n’avons pas (encore) découvertes.
Origines du chien : un choix des loups !
Les premiers chiens, nous l’avons dit, se différencient des loups, notamment par une taille plus modeste. Cette transition n’a pu se faire que de manière longue et progressive. Ce qui conforte l’idée que le rapprochement n’a pas commencé avec la sédentarisation de l’espèce humaine, mais sensiblement plus tôt.
Voir cet article : L’homme et le loup ont commencé de chasser ensemble
À l’initiative du loup
Mais ce qui est évident, c’est que ce rapprochement ne s’est pas fait à l’initiative de l’homme, mais bien à celle du loup. Et plus précisément, de certains loups seulement.
Mais de certains loups seulement
Lesquels ? On peut facilement imaginer que les loups les plus grands, les plus forts, n’aient attendu ni l’homme, ni quelque autre prédateur, pour se fournir en alimentation.
Une chance pour les animaux les moins forts
Mais chasser, et surtout forcer un animal à la course, puis le tuer, voilà qui dépassait sans doute les capacités de certains sujets moins vigoureux, moins volontaires, moins imaginatifs.
Pour ces derniers, le seul espace de survie, c’est de s’accommoder des restes des plus forts.
D’abord, les restes en provenance d’individus de la même espèce, mais paradoxalement, ce potentiel alimentaire est en réalité très limité.
Une capacité de compassion sans doute moindre
Le loup, comme l’homme, est un animal social, certes, mais avec une capacité de compassion nettement moindre : l’homme soigne ses blessés et nourrit ceux de sa tribu qui sont affaiblis.
On observe des faits similaires chez les animaux, mais de manière généralement moins systématique…
Et puis, nous l’avons dit, les restes d’un repas humain sont un repas complet pour un canidé, ce qui n’est pas le cas, c’est l’évidence des restes d’un repas de canidé !
Origines du chien : le choix des loups les moins vigoureux
Nos loups moins vigoureux en viennent donc à devenir les commensaux de prédateurs d’autres espèces, dont l’homme.
Avec une nette préférence pour l’homme : c’est que celui-ci, s’il est à coup sûr le meilleur « coureur de fond » du monde animal, se montre extrêmement médiocre, pour ne pas dire nul, sur des distances courtes !
Dans certains cas, mieux vaut un homme qu’un jaguar !
Un lion, un jaguar, excédé par la présence de chiens en attente de restes, pourra bien en rattraper un ou deux à la course ! L’homme, dans une même situation ne pourra rien.
Ne lui restera que le choix de subir ou de s’organiser pour rendre une cohabitation qu’il n’a pas souhaitée, la moins nuisible possible !
Origines du chien : comment le loup commensal est devenu chien
Sans l’homme, la sélection naturelle eût impitoyablement éliminé ces animaux plus faibles.
Avec l’homme, ils ont pu survivre, s’accoupler, se reproduire, puis élever leurs petits : le loup commensal est devenu le chien.
Le choix des loups
Mais c’était là le choix du loup, subi sans doute, ou au mieux toléré, par l’homme.
Qu’il en coûte ou non à notre amour propre, voilà démontré de la manière la plus irréfutable notre théorème :
Origines du chien : théorème
Théorème: « Ce n’est pas l’homme qui a choisi le chien, c’est le chien qui a choisi l’homme ! »
En dépit des apparences, c’est toujours le chien qui choisit l’homme…
Si nous avons passé tout ce temps à analyser le processus qui a permis le rapprochement des deux espèces, ce n’est pas par passion pour l’anecdote ! Mais pour les conséquences, plus étonnantes qu’il n’y paraît d’abord, de ce processus.
Origines du chien : douze mille ans plus tard
Commençons par ceci : douze mille ans plus tard, le théorème se vérifie toujours !
Vous croyez avoir choisi un chien dans une portée : ne vous y trompez pas ! Ce n’est pas vous qui avez choisi, c’est le chiot qui s’est débrouillé pour que vous le choisissiez !
Il vous a « séduit », et vous croyez l’avoir choisi parce qu’il vous a séduit !
Éternel « coup de cœur »
Combien de fois ai-je entendu dire, par des responsables, des éleveurs, des vétérinaires : « L’achat du chien doit être réfléchi, il faut tout faire pour combattre l’achat coup de cœur ! ».
Or, et vous comprenez désormais pourquoi, pas de « coup de cœur », pas d’achat.
Quand on aime, on ne… réfléchit pas…
D’ailleurs quiconque met en balance sérieusement plus de cinq minutes les avantages et les inconvénients qu’il y a à prendre en charge un chien de compagnie ne peut que se rendre à l’évidence !
Les inconvénients l’emportent de manière écrasante ! Heureusement pour nos amis les chiens, parfois le cœur aveugle…
Rien n’a changé
Douze mille ans ont passé, rien n’a changé : les chiens nous imposent leur présence et se débrouillent ensuite pour nous donner l’impression que nous l’avons voulue !
(Mais n’est–ce pas la même chose, depuis toujours, pour les couples humains ? Le « mâle » passera sa vie dans l’illusion de sa virile conquête, mais la « femelle » sait bien que le choix, c’est elle qui l’a fait…)
En conclusion, cet autre article : L’homme n’a choisi ni le chien, ni le chat, ce sont ces derniers qui ont choisi l’homme !
Origines du chien : résumé – conclusion !
Résumons : dominant un réflexe ancestral de défiance et de peur, certains loups, progressivement, prennent l’habitude de vivre dans le sillage de hordes humaines.
Nul doute, ces dernières commencent par détester cet encombrant voisinage, puis le supportent plus ou moins, y trouvant même quelques avantages.
D’après « Le comportement dans tous ses états », par Michel Georgel, Audreco Edition.
Aller plus loin : nos formations
2 commentaires
GIRAUD Patrick · 16 novembre 2019 à 9 h 57 min
PASSIONNANT
Surement encore bien d’autres mystères à découvrir
Merci
Dominique WOLFF · 20 mars 2021 à 20 h 46 min
Très belle analyse ou interprétation de ce qui ou comment cela s’est passé. Ceci dit, il y a quand même beaucoup d’échec de relation, les refuges, les SPA sont remplies de ces derniers. Le pourquoi du comment appartient au passé et sur ce dernier nous ne pouvons plus agir. Vous l’avez choisi comme titre : 12 000 ans, ou plus, sans l’aide ni d’éducateurs, ni de quelque comportementaliste que ce soit. Alors, ma question serait : Mais que s’est-il passé ou que se passe t’il pour en arrivé là? Merci en tous cas pour votre article, j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire.